L'entrée en vigueur de la RE 2020 va-t-elle faire grimper les prix de l'immobilier neuf ?
- Norme RE2020 : les grandes lignes de la règlementation
- Vers une hausse des prix de plus de 5 % pour l’immobilier neuf ?
- Qu’en pensent les acheteurs et experts de la promotion immobilière ?
- Les professionnels de la construction mis au défi en 2022
- Un secteur déjà fragilisé par la pénurie de matériaux
- Former les professionnels à la conformité de la RE2020
- Qu’en est-il des programmes neufs éligibles au Pinel Plus ?
Attendue de pied ferme par certains, redoutée par d’autres, l’entrée en vigueur de la RE2020 a résonné comme un coup de tonnerre dans le secteur de la promotion immobilière. C’est bien le 1er janvier 2022 que la nouvelle règlementation thermique (RE 2020) a fait son entrée au Journal Officiel. Elle concernera dans un premier temps les bâtiments du secteur résidentiel, puis ceux du tertiaire à partir du 1er juillet 2022.
En souhaitant insister sur l’importance de mieux construire ces prochaines années, Emmanuelle Wargon, Ministre du Logement a fait de cette règlementation un critère d’éligibilité au dispositif de défiscalisation du Pinel Plus. Plus exigeante et plus contraignante que sa prédécesseuse la RT2012, la RE 2020 risque de faire grimper les prix de l’immobilier neuf dans un secteur déjà mis à mal par la crise sanitaire. Décryptage sur l’entrée en vigueur de la RE 2020 qui sème le trouble.
Norme RE2020 : les grandes lignes de la règlementation
La Règlementation Environnementale 2020 (RE2020) s’inscrit dans le cadre de la loi énergie-climat adoptée en novembre 2019 où la France s’est lancé le défi de considérablement réduire ses émissions de carbone d’ici 2050. Une des solutions pour y arriver est de revoir les critères de construction des bâtiments neufs, de manière à : privilégier la sobriété énergétique et la décarbonation de l’énergie, réduire d’impact carbone et garantir un confort intérieur en cas de forte chaleur.
Pour y parvenir, le gouvernement déploie les grands moyens. Parmi les nombreuses obligations de la RE 2020, un plafond d’émissions de GES pour les constructions neuves est désormais fixé à : 4 kg CO2 m²/an pour les maisons individuelles et de 14 kg CO2 m²/an pour les logements collectifs. De plus, les matériaux dits “biosourcés” comme le liège, le chanvre ou le bois devront être davantage encouragés, de façon à limiter le recours à la bétonisation.
La RE 2020 évoluera et continuera de s’adapter aux enjeux environnementaux actuels grâce aux jalons respectivement établis en 2025, 2028 et 2031. Ces dates permettront aux acteurs du domaine de la construction de s’accommoder aux exigences de cette nouvelle norme.
Vers une hausse des prix de plus de 5 % pour l’immobilier neuf ?
Construire mieux et durablement a un prix. Interrogées par Les Echos le mois dernier, les fédérations françaises des promoteurs immobiliers, des constructeurs de maisons individuelles et du bâtiment partagent le même avis. Le prix d’un appartement neuf conforme à la RE 2020 pourrait augmenter de 4 à 5% et de 5 à 7% pour une maison neuve. Ces nouvelles exigences pèseront lourd sur les coûts de construction et par extension, sur le prix de vente des logements neufs pour les acheteurs.
Afin d'évaluer l’origine de ces surcoûts liés à la construction, le Sénat a commandé une étude permettant d’identifier les points de la RE 2020 qui auront des répercussions sur le prix des bâtiments neufs. À commencer par la hausse des coûts des matériaux de construction qui est évaluée à 3,4 % pour les constructions individuelles, 4,2 % pour les collectifs et 2,7 % pour le secteur tertiaire en 2024.
L’indicateur Bbio (besoin bioclimatique) sera lui fixé à 2 642 € par logement. Ce coefficient sert à évaluer la qualité énergétique ainsi que les besoins liés au chauffage, à la climatisation et à l’éclairage d’un bâtiment. L’entrée en vigueur de la RE 2020 ne remet pas en question le mode de calcul des besoins climatiques. Cependant, la hausse des coûts de construction de logements sera de 1 %, quelle que soit la nature du bâtiment.
Une conséquence sous-jacente de la mise en application de la RE 2020 provoquera une baisse du nombre de logements neufs. D’après la Fédération Française du Bâtiment (FFB), la RE2020 causera une chute de 300 000 logements mis en chantier par an. Ce sont tant d’éléments qui ne semblent pas faire plaisir à tout le monde.
Nos experts répondent à vos questions
Qu’en pensent les acheteurs et experts de la promotion immobilière ?
Pour l’instant, l’arrivée de la RE2020 est vue d’un mauvais œil des promoteurs et des acheteurs. En septembre 2021, Pascal Boulanger, Président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers avait exprimé ses craintes lors de l’EnerJ-meeting à Paris :
”La mise en œuvre sera difficile, parce que je sens moins de mobilisation des décideurs sur les suites de la RE que sur la RE elle-même […] Si je raisonne en tant que patron d'une PME de promotion, je suis un peu pris de vertige devant l'ampleur des transformations à opérer pour en faire une réalité”.
Chez les acheteurs, même son de cloche. La RE2020 va sans aucun doute faire monter les prix des maisons et appartements neufs au risque de réduire la superficie intérieure ou de désolvabiliser des acheteurs potentiels.
”De toute façon quelque part on n'a pas le choix, donc revoir notamment sur le chauffage, sur la superficie, si on peut optimiser les espaces pour que le coût rentre dans notre enveloppe” souligne un particulier qui souhaite acheter sa résidence secondaire.
Les professionnels de la construction mis au défi en 2022
L’inquiétude se ressent chez les professionnels de la construction et de la promotion immobilière. La Règlementation Environnementale 2020 arrive à un moment où le secteur est déjà profondément fragilisé par les impacts de la crise sanitaire. Depuis plus d’un an et demi, les ventes de logements neufs montent et baissent au gré de la demande qui semblait pourtant de nouveau être présente en cette fin d’année 2021.
L’année 2022 s’annonce encore difficile pour les acteurs du bâtiment. Ils devront à la fois faire face à la pénurie des matières première qui dure et au besoin de se faire accompagner pour s’approprier et mettre en application la RE 2020.
Un secteur déjà fragilisé par la pénurie de matériaux
Frappé de plein fouet par une pénurie de matériaux qui s’éternise, le secteur de la construction vit des temps compliqués. Depuis la fin de l’année 2020, on observe une hausse généralisée des prix des matières premières, telles que l’acier, le bois, le cuivre ou encore le plastique. L’origine de cette situation préoccupante est connue de tous : la crise sanitaire du Covid-19.
Pendant les confinements, l’activité sur les chantiers s’est quasiment stoppée sur l’ensemble du territoire pour repartir de plus belle en sortie de crise. Tandis que la demande s’est précipitée sur les stocks de matériaux restants, l’offre, elle, s’est appauvrie. Comme si la demande nationale ne suffisait pas, les États-Unis et la Chine sont venus s’approvisionner en bois français. Une conjoncture qui n’est donc pas idéale pour la mise en œuvre de la RE 2020 qui souhaite davantage avoir recours à la filière bois.
Former les professionnels à la conformité de la RE2020
Promoteurs, architectes, maitres d’ouvrage, constructeurs ou encore économistes du bâtiment, tous ont vocation à pratiquer la nouvelle Règlementation Environnementale 2020. Afin de maitriser l’essentiel de ses enjeux, divers organismes de formation français, reconnus par l’État propose des supports afin de former les professionnels du bâtiment. Sous forme de fiches, dossiers, webinaires, MOOC ou encore par le biais de formations en présentiel, le Ministère de Transition Écologique s’est associé auprès de différents organismes pour accompagner les professionnels du secteur.
En complément, le moteur de recherche du site de l’ordre des architectes recense toutes les offres de formations, de tous les prestataires et dans toute la France sur la RE2020. Parmi les plus complètes, il y a la formation dispensée par le Cerema qui intègre 2 modules : un pour se “sensibiliser”, l’autre pour se “perfectionner” aux enjeux du texte.
Qu’en est-il des programmes neufs éligibles au Pinel Plus ?
Emmanuelle Wargon, Ministre du Logement a annoncé à l’automne dernier les contours du dispositif Pinel Plus, qui cohabitera avec le Pinel actuel et permettre de conserver les taux de réduction d’impôts maximaux. Comme nous nous en doutions, le respect de la RE 2020 est devenu un critère d’éligibilité afin qu’un logement neuf soit accessible en “Pinel+” et qu’un investisseur puisse bénéficier de la réduction d’impôt qui va avec.
Mais ce n’est pas tout. En plus de la conformité aux normes de construction écologiques, le confort au sein des logements à de plus en plus d’importance. Ainsi, une superficie minimale par superficie a été instaurée : 28 m² pour un studio, 45 m² pour un T2, 62 m² pour un T3, 79 m² pour un T4 et 96 m² pour un T5. Pour optimiser le confort de vie et améliorer les performances énergétiques, la présence d’un espace extérieur sera systématiquement obligatoire, tout comme la double exposition à partir du T3.
Rappelons que tous les permis de construire déposés à partir du 1er janvier 2022 devront respecter le premier jalon de la Règlementation Environnementale 2020. Selon tous ces critères, il est probable que l’on voit sortir de terre des programmes immobiliers neufs respectueux de la RE2020, donc éligibles au Pinel Plus d’ici 3 ou 4 ans. Seuls quelques programmes sont en avance sur leur temps et nous ne manquerons pas d’écrire un article sur ce sujet dès que notre liste sera plus étoffée.
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